Relations hybrides empruntant au sexfriends et au couple traditionnels, les relations du troisième type reflètent bien souvent une peur profonde de l’engagement.
« Je ne sais pas ce que nous sommes, ni un couple, ni des amis, ni des sexfriends. On est rien et tout à la fois. Le pire, c’est qu’un jour ça me va et le lendemain ça ne me va plus. J’ai l’impression d’être prisonnier d’une sorte de boue amoureuse, d’être incapable de savoir ce que je veux et où je veux aller. » Depuis deux ans, Jonathan, 42 ans vit ce que l’on appelle une relation du troisième type avec Sarah, 36 ans. Ils se voient plusieurs fois par semaine, partent en week-end, sortent dîner avec des amis. Ni lui, ni elle ne voit quelqu’un d’autre. Pourtant, ils ne sont pas un couple. Ils vivent l’une de ces « presque-relations », un entre-deux à mi-chemin entre le plan cul et le couple, qui sont aujourd’hui légion. En apparence, ces relations d’un nouveau genre ont tout pour plaire. On y trouve d’un côté la complicité, la fidélité -tant sentimentale que sexuelle- et le semblant de- stabilité d’une union amoureuse, et de l’autre la légèreté et l’indépendance des relations sans lendemains, puisqu’il n’est pas question d’engagement.
Le beurre et l’argent du beurre ? Pas si sûr. Pour Jonathan, cet entre-deux affectif revient à « marcher sur un fil et attendre de voir de quel côté on va tomber. Quand on se sent bien dans ses baskets, c’est hyper agréable de savoir qu’on a quelqu’un sur qui compter, sans pour autant avoir le poids d’un engagement de longue durée comme c’est le cas pour les vrais couples. D’un autre côté, si on est dans une période où l’on doute de soi, où on se dévalorise, c’est terrifiant de savoir que l’autre peut se barrer, comme ça, du jour au lendemain, sans donner d’explications puisque le statut de la relation fait qu’il n’y a même pas besoin de rompre à proprement parler. Je vois Sarah depuis plus de deux ans, c’est bien plus que mes précédentes relations avec qui j’étais en couple. Pourtant, techniquement, nous ne sommes rien, juste deux personnes qui aiment passer du temps ensemble. C’est un jeu très dangereux. »
Les règles sont brouillées
Un jeu auquel de plus en plus de jeunes, et de moins jeunes, s’adonnent, notamment par peur de se projeter avec l’autre, de construire ensemble, bref, de s’engager. L’engagement consiste à participer à la croissance du couple et cela passe notamment par la définition de projets en commun. Il est nécessaire de rester curieux, de créer, de relever des défis à deux pour consolider et faire grandir au fil des mois et des années ce lien. Et tout ceci n’est possible qu’en étant mature, c’est-à-dire en choisissant de travailler en pleine conscience le couple avec l’autre. Ce qui semble impossible dans ce genre de relations non construites où chacun avance à l’aveugle, à tâtons, en profitant de l’instant présent, sans jamais envisager le futur. « Se projeter, c’est terrifiant, à trop vouloir planifier, on prend le risque de tout perdre, que la magie disparaisse, explique Émilie, 33 ans, en presque-couple, depuis six mois avec Matthieu. C’est un peu l’idée que le mieux est l’ennemi du bien, parfois, j’aimerais définir notre relation, commencer à construire quelque chose d’un peu moins flou, mais en même temps, j’ai peur qu’il prenne peur, ou que je finisse par regretter cet engagement. Du coup, je ne dis rien et je profite de ce qu’on vit. » Un silence qui entérine cette situation opaque et entretient cette angoisse de l’engagement, alors même que l’envie peut être présente de passer à l’étape suivante. Avec l’émergence des sites de rencontre et des relations en WIP, il est de plus en plus difficile d’oser communiquer. Il n’est pas rare d’entendre des demandes de conseil : « Crois-tu que je devrais ? Comment je pourrais lui faire comprendre que… ». Les règles étant brouillées, nombreux sont celles et ceux qui se demandent à quel moment il sera réellement possible d’engager des conversations sérieuses avec l’autre. La sociologue Eva Illouz affirme ainsi dans son livre La fin de l’amour, qu’« il en ressort un profond sentiment d’insécurité surtout pour les femmes qui se sentent largement responsables du succès et de la gestion affective des relations. »
C’est le cas par exemple des femmes attirées par les « Bad Boys », ces grands séducteurs qui ne sont ni communicants, ni bienveillants, mais dont l’aura énigmatique attirent encore la gente féminine. Bien souvent, ces hommes sont très clairs concernant leurs attentes et ne souhaitent pas s’engager. Il faut alors être capable d’entendre leur incapacité pour ne pas s’enfermer dans une relation sans issue. Mais amoureuses, les femmes se persuadent qu’en restant, qu’en leur prouvant des choses, la relation pourra s’inverser. C’est possible mais c’est rare…
Enfin, ils existent d’autres profils hésitants, moins catégoriques, des personnes qui ont simplement besoin d’être rassurées, savoir que l’autre les aime réellement pour ce qu’ils sont et non pour ce que l’autre aimerait qu’ils soient. C’est à cette seule condition qu’ils tendront vers un engagement.
Un dialogue indispensable
Pour le savoir, entretenir un bon dialogue régulièrement permet d’obtenir des informations concrètes. Un dialogue nécessaire, mais qui n’a rien d’évident pour celles et ceux empêtrés dans une relation du troisième type. « Après plusieurs mois, j’ai vraiment besoin de savoir si on peut devenir un couple ou si on restera toujours dans ce marasme, confie Émilie. Je sais que je dois aborder cette conversation, mais cela me terrifie. On s’est enfermés dans ce statut, ou plutôt ce non-statut, et il est difficile d’en sortir. Mais ça devient vital, je ne supporterai plus cette situation longtemps. Alors il va falloir qu’on parle, et qu’on avance. » À l’instar d’Émilie, l’important est de savoir poser ses propres limites, de les identifier et de les formuler à l’autre via le dialogue quand on ne s’y retrouve plus. Ne pas hésiter à faire le point sur soi et sur ses besoins réels. Une tâche indispensable qui peut être compliquée dans ces relations où l’on s’adapte à l’autre en permanence sans s’écouter vraiment. L’autre devient le centre, au risque de s’oublier soi-même. Certains se coupent de leur univers social, sortent moins avec leurs amis, sont souvent tristes, car l’autre devient une obsession…
Pour sortir de cette spirale, il faut absolument ralentir, prendre de la distance, de la hauteur et se recentrer sur soi pour redonner du sens et de la valeur à son individualité. Il faut réapprendre à penser à soi, à s’ouvrir à de nouvelles rencontres. Contrairement à une forte croyance, l’amour ne doit pas faire souffrir. Il se peut que l’on s’engueule, mais lorsque la relation est bancale, voire chaotique, on rentre dans la dépendance affective. Tout le challenge est de ne plus subir, de trouver un équilibre sain, car l’amour est un complément de soi et non le comblement d’un vide.
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